Seulaumonde suivi de Dîner

Seulaumonde suivi de Dîner

1 monologue et 1 pièce pour 7 personnages

Editions Les Cygnes

Seulaumonde Un avion, des confitures, Sharon Stone, la lune et Jupiter… Seulaumonde est seul, et en plus, il est mort. Il a 20 et il refuse de partir…

Créé par Nelson-Rafaell Madel

Dîner Ils on sept convives réunis autour d’une table, d’un repas. Petit à petit, l’un de s’efface, disparaît…

SeulaumondeExtrait :
Au même endroit. Plus tard.
SEULAUMONDE
Un jour, il y a longtemps, l’année dernière, j’ai pris l’avion. Pour l’Espagne. Ce n’était rien. Un vol idiot, une heure, une heure et quart. Un vol à bas prix, un avion moche, des hôtesses sous-payées qui jouent à faire semblant de ne pas avion moche, des hôtesses sous-payées qui jouent à faire semblant de ne pas savoir parler anglais. Paris-Barcelone, Barcelone-Cracovie, Cracovie-Edimbourg… Oui, quand on prend l’avion on a envie de se sentir aimé. Comme… comme chez le coiffeur.
Quoi ? J’ai le temps ou pas ? Au point où on en est, je peux bien raconter mon histoire non ? Qu’est-ce que ça change ?
Je n’ai jamais eu peur en avion. Des fois le décollage me faisait un truc dans le ventre. Le truc de quand ton père roulait un peu vite sur une départementale l’été et qu’il n’a pas anticipé le dos d’âne. Il ralentit mais un peu tard. La voiture ne saute pas, elle fait une courbe de toboggan sur le dos d’un âne et ça te fait un petit looping dans l’estomac. Marrant. Jamais j’ai eu peur. Et puis là, c’est la nuit. Par les nuages, il n’y a rien que des hublots… Oui, l’inverse, bien sûr. Deux cent cinquante six personnes en rangs d’oignons, les genoux calés contre le cul du passager de devant, qui s’enfilent des cumulonimbus l’air de rien, comme ça, en sirotant un mini coca, ou en lisant Closer : « Sharon Stone plus femme que jamais à cinquante ans »… Slurp slurp. Comme ça, dix mille mètres au-dessus de la Méditerranée. Marrant.

Dîner – Extrait
VICTOR : (Victor ouvre la porte, agité) Ah ! Je vous ai entendus !… On vous attendait. Entrez voyons, venez. Le dîner est prêt. Enfin, j’ai fait un buffet, c’est plus chaleureux non ? Ça change. Nadia, tu as le disque que je t’avais demandé ? J’ai ouvert du vin. Philip, entre, Georges est dans le salon elle va être contente de te voir. Salut Lou ! Venez, voyons, il fait froid… Entrez. C’est bien que vous soyez là tôt. Quelle heure est-il ? Oh oui, ça va. Ça nous laisse du temps. Georges a retrouvé de très belles photos. Vous allez voir, elle est magnifique. Magnifique ! On voulait mettre des bougies partout, mais c’était triste en fait… Du coup on a allumé toutes les lampes. Ça fait bizarre. Je ne pensais pas qu’on avait autant de lampes. Tiens, je vais remettre Vivaldi. Je l’ai écouté toute la matinée. Je crois que Georges n’en peux plus. Mais c’est plus fort que moi. (Il rit bizarrement) C’est fou la vie qu’il y a dans Vivaldi. (Il rit)… Sans jeu de mot ! C’est vrai, ça sonne comme si ça avait été écrit dans la nuit. Tu vois le type fatigué de sa nuit blanche qui écrit jusqu’à la dernière goutte de son encrier avec sa plume d’oie. Tu vois ? (Il pleure mais continue comme si de rien n’était) Le parchemin, le bureau en bois, les concertos. Elle adorait Vivaldi, vous le saviez ? Lou, pose ton manteau, je t’en prie. Edith, ma petite sœur d’amour, viens, il y a une photo de toi et elle à son dernier anniversaire ? Tu te souviens ? Vous vous étiez peint des moustaches. Philip, ferme la porte s’il te plait. Il y a du champagne au frais. Vite, allons, pas de manières, ouvrez du champagne ! Georges ? Georges, tu es là ? Tout le monde est arrivé. Tu as ouvert les fenêtres ? Mais il fait froid, tu es folle ! Tiens écoutez-ça, c’est Vivaldi, écoutez ça comme c’est vivant.